Identification de gènes prédisposant à la lèpre
Une nouvelle étape vient d'être franchie dans la voie de l'éradication de la lèpre, l'une des maladies les plus anciennes et les plus craintes au monde. Une équipe de recherche internationale sous la direction de chercheurs de l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), au Canada, et de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), en France, a découvert que de petits changements dans deux gènes, le gène Parkin et le gène voisin, PACRG, multiplient par cinq le risque de développer la maladie. De façon intrigante, des mutations dans le gène Parkin avaient été précédemment identifiées comme responsable de certaines formes de la maladie de Parkinson, maladie neurodégénérative courante dans les pays développés. Ces résultats seront publiés dans l'édition de février de la revue scientifique Nature.
« Nos résultats ouvrent une perspective entièrement nouvelle sur le processus de la lèpre », dit le Dr Erwin Schurr, généticien moléculaire du CUSM titulaire de la chaire James McGill et l'un des auteurs principaux de l'étude. L'étude a réuni des chercheurs et des médecins du Vietnam, du Brésil, des Pays-Bas, de la France et du Canada. « Ces résultats pourraient permettre de percer le secret de la persistance de la lèpre dans de nombreuses parties du monde, et ce malgré l'utilisation de traitements médicamenteux efficaces. »
« La lèpre afflige les populations humaines depuis des siècles et elle demeure un sujet d'inquiétude dans un grand nombre de pays », dit le Dr Laurent Abel, co-auteur de l'étude et Directeur de Recherche à l'INSERM travaillant dans l'Unité 550 de la Faculté de médecine Necker de Paris, Université René Descartes.
« Ces études ouvrent la voie à l'éradication de la lèpre par un nouvel angle d'attaque, celui de la constitution génétique des personnes souffrant de la maladie », ajoute le Dr Alexandre Alcaïs, son collaborateur à l'unité INSERM 550.
La lèpre, causée par le bacille Mycobacterium leprae, est une maladie infectieuse chronique qui touche environ un million de personnes dans le monde. L'Organisation Mondiale de la Santé a identifié 91 pays où le taux de prévalence de l'infection par la lèpre reste élevé malgré une couverture thérapeutique satisfaisante. Cliniquement, la lèpre associe des lésions cutanées et de sévères atteintes nerveuses. En l'absence de traitement, elle peut conduire à des mutilations graves, notamment la perte de doigts, d'orteils, de pieds et de mains.
Pour arriver à leurs conclusions, les Dr Schurr, Abel et leurs collègues ont analysé des échantillons d'ADN d'environ 200 familles vietnamiennes atteintes par la lèpre. Ils ont établi que la présence de certaines formes des gènes Parkin et PACRG étaient associées à un risque significativement accru de développer la maladie. Ces résultats ont été confirmés chez des patients provenant du Brésil, ce qui démontre l'importance des résultats dans un contexte mondial de lutte contre la lèpre.
« Au cours des dernières années, les progrès de la technologie ont rendu possible les analyses génétiques complexes comme celles qui ont servi à la notre étude », a déclaré le Dr Thomas Hudson, co-auteur du travail et directeur du 'McGill University and Genome Quebec Center'. « Sans ces progrès, sans l'expertise clinique et épidémiologique de nos collaborateurs du Vietnam et du Brésil et sans le soutien d'une équipe française leader international en génétique épidémiologique, cette percée n'aurait pas été possible. »
Au total, cette étude a identifié un composant génétique majeur de prédisposition à la lèpre qui met en évidence une voie de réponse au bacille de la lèpre totalement nouvelle impliquant la façon dont les cellules se débarrassent des protéines superflues. Il s'agit exactement des mêmes mécanismes que ceux impliqués dans la pathogénèse des formes de maladie de Parkinson causées par des mutations du gène Parkin. Cette découverte soulève ainsi l'hypothèse séduisante que des anomalies dans la façon dont les cellules gèrent le matériel superflu pourraient être à l'origine de pathologies assez communes et très différentes dans leur présentation comme des maladies infectieuses ou des maladies neurodégénératives.
La recherche a été financée par des subventions du Réseau canadien de maladies génétiques (RCMG), des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), et d'organismes de soutien à la recherche de France et des Pays-Bas.
L'Institut de recherche du CUSM
Établi à Montréal, au Québec, l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) réunit la plus forte concentration de chercheurs dans le domaine des sciences biomédicales et des soins de santé au Canada. Il compte plus de 500 chercheurs, près de 650 médecins diplômés et de niveau postdoctoral et 306 laboratoires de recherche. La mission de l'Institut est de faciliter la recherche à l'instigation des chercheurs et axée sur les découvertes faisant progresser les connaissances. À l'Institut, la recherche est étroitement liée aux programmes cliniques du CUSM, ce qui assure un continuum entre le laboratoire, la clinique et la collectivité. L'Institut de recherche du CUSM est un établissement de recherche de classe internationale, qui se situe à l'avant-plan des connaissances nouvelles, de l'innovation, des courants porteurs et des technologies.
Le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill
Le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill est un centre de recherche de premier ordre en génomique et en protéonomique. Fondé par le Dr Thomas Hudson, il était à l'origine axé sur les troubles génétiques complexes comme les maladies cardiaques et l'asthme. Le Centre représente maintenant une ressource essentielle pour de nombreux projets de recherche. Les projets d'envergure qui y sont menés comprennent notamment l'haplotypage du génome humain (projet international HapMap) et l'élucidation des mécanismes de régulation de l'expression des gènes. Des plates-formes technologiques à grande échelle de séquençage, génotypage, micro-puces à ADN et spectrométrie de masse travaillent en parallèle pour offrir aux chercheurs du Canada et de l'étranger des services complets et fiables. Situé sur le campus de l'Université McGill, au cœur de Montréal, le Centre est une source inestimable de connaissances et de technologies à la disposition des secteurs universitaire, industriel et commercial.
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Le Réseau canadien de maladies génétiques (RCMG) est un organisme sans but lucratif voué au progrès de la compétitivité scientifique et commerciale du Canada dans la recherche en génétique et dans l'application de ses découvertes à la prévention, au diagnostic et au traitement des maladies humaines. Pour atteindre ses objectifs, le RCMG participe à trois activités essentielles : il facilite et soutient financièrement la recherche collective en génétique humaine dans l'ensemble du Canada; il forme les chercheurs émergents à l'excellence en recherche sur les maladies génétiques humaines; il facilite les partenariats entreprise-université pour transposer les découvertes scientifiques en thérapies et tests diagnostiques novateurs. Le RCMG est un partenaire du programme du Réseau canadien des centres d'excellence.
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