Souveraineté v. néolibéralisme : procès pour un trésor
En 2007, une entreprise spécialisée dans la recherche de trésor a découvert dans le fond de l’Atlantique, au large du Portugal, l’é±è²¹±¹±ð d’un bateau du XIXe siècle. L’entreprise, Odyssey Marine Exploration, a demandé devant les tribunaux américains la propriété de l’é±è²¹±¹±ð et de sa cargaison, notamment quelque 600 000 pièces d’argent et même d’or. Ce trésor, sans doute le plus imposant jamais découvert en mer, a fait l’objet d’un procès entre 2007 et 2012, où deux États et 25 individus se sont disputés sa propriété.
Dans un article scientifique publié dans la revue Political Theory, Yves Winter, de l’Université McGill, et Joshua Chambers-Letson, de la Northwestern University, racontent que l’Espagne a dû démontrer que le bateau était le Nuestra Señora de las Mercedes, coulé lors d’une mission pour la Couronne espagnole en 1804, et constituait donc un vaisseau souverain, empêchant quiconque d’en réclamer la propriété. L’entreprise a finalement dû rendre le trésor à l’Espagne. Les auteurs interprètent ce procès comme l’expression de deux rationalités politiques qui se superposent et se contredisent : d’un côté, la logique néolibérale du capital et du commerce et de l’autre les prérogatives de la souveraineté.
« Ce cas, explique Yves Winter, est symptomatique d’un paradoxe clé dans l’ordre politique du monde : alors que les États poussent les intérêts du capital par des politiques néolibérales, ils minent leur propre puissance ». Le professeur adjoint au Département de Sciences politiques voit de la nostalgie dans la position partagée par l’Espagne, les États-Unis et la cour lors du procès. « Cette nostalgie s’accroche à l’illusion que le pouvoir souverain constitue une alternative efficace au néolibéralisme. »
Shipwrecked Sovereignty. Neoliberalism and a Disputed Sunken Treasure
Y Winter, J Chambers-Letson
Political Theory, 2014
Crédit photo: Jacinta Lluch Valero