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Le jugement linguistique, jugement de Salomon ?

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On ne parle pas comme on écrit… et l’on n’écrit pas comme on parle. Il y a des registres, des niveaux de langue. Le lecteur doit donc être en prise directe sur le texte, son sujet et son libellé. On doit aller le chercher, le solliciter.

On dit que la traduction fait toujours appel à une adaptation au destinataire.

Le lecteur doit donc être en prise directe sur le texte, son sujet et son libellé. On doit aller le chercher, le solliciter. C’est un peu ça le marketing.

Un bémol toutefois : la qualité de la communication fait aussi partie du processus et ne doit pas être compromise. En d’autres termes (sans calembour…), s’il y a conflit d’interprétation entre l’usager et les sources écrites, ces dernières (dictionnaires et bases de données) doivent faire plus que recueillir de la poussière. Elles ont leur mot à dire (…).

Certes, ces ouvrages de référence ne devraient pas dicter (…) ce que nous écrivons, mais ils ne sauraient non plus être ignorés dans le cadre d’une communication officielle ou écrite.

Voici un exemple souvent cité.

Il n’y a pas si longtemps, au Québec, les gens disaient, un peu pressés, le bumper et le muffler, le brake et la clutch. Il eut été impensable alors de proposer pare-chocs et silencieux (pot d’échappement) ou frein et embrayage (»åé²ú°ù²¹²â²¹²µ±ð). Le rédacteur ou traducteur consciencieux se faisait de suite admonester : Mais personne ne comprendra jamais ces mots…

Et pourtant, aujourd’hui, tout le monde les comprend.

Cela étant, bien de nos conducteurs ou garagistes franglophones continuent d’employer les étiquettes anglaises. C’est leur droit, tant que ça reste oral et non écrit. Mais, dès que la communication passe à l’écrit, elle devient soutenue, officielle. N’existe-t-il pas toute une terminologie de l’automobile, qu’on ne peut décider unilatéralement d’ignorer ?

On ne parle pas comme on écrit… et l’on n’écrit pas comme on parle. Il y a des registres, des niveaux de langue.

Dans un cadre professionnel, le recours systématique au franglais passe mal.

D’autant plus que, depuis l’avènement de Termium (banque de terminologie fédérale comptant plus de 3,5 millions de termes en anglais et en français) et de GDT (banque de terminologie québécoise totalisant quelque 2,5 millions de termes, elle aussi bilingue), ces solutions (techniques, scientifiques, commerciales, juridiques) sont mises en ligne, à portée de main, à titre gracieux, à même les deniers publics.

Il reste que les traditions ont la vie longue. Par conséquent, dans certains domaines, le français local (canadien ou québécois) se distingue par un net penchant pour l’anglicisation, « seule façon de se comprendre et de rester en famille ».

Or, en traduction comme en communication, une partie du mandat consiste à contourner parfois les solutions trop faciles, tout en évitant de sombrer dans le purisme (ou le laxisme).

On joue les équilibristes.

Un »å±ð³Ü³æ¾±Ã¨³¾±ð exemple, un peu plus surprenant, le couple smoking et tuxedo (ou ³Ù³Ü³æé»å´Ç).

Au Québec, traduire tuxedo risque de susciter bien des foudres si l’on emploie le mot smoking. Pourquoi remplacer un anglicisme courant ici par un autre anglicisme courant ailleurs dans le monde ? Le mot et la tenue smoking se vendraient plus difficilement dans la Belle Province ?

Pourtant, smoking constitue »åéÂáà un emprunt fait à l’anglais par l’ensemble de la francophonie, il y a plus d’un siècle (1890, selon Le Robert). Respecté par l’usage comme par tous les dictionnaires.

Par contre, le vocable tuxedo, lui, ne représente qu’un »å±ð³Ü³æ¾±Ã¨³¾±ð emprunt, doublon récent, régional. Il est exclu de tous les dictionnaires, européens comme canadiens, si ce n’est pour y être critiqué (voir tableau ci-dessous).

Le seul atout de tuxedo serait de perpétuer un certain laisser-faire, qui infantilise le lecteur et ne tient pas compte de la dichotomie qu’on observe entre vocabulaire actif (qui vient spontanément à l’esprit, qui est sur le bout de la langue) et vocabulaire passif (qui est parfaitement connu, même s’il ne constitue pas notre premier choix).

Remarquablement, oui, certains consommateurs québécois seront surpris par l’«exotisme » du mot smoking, mais il y en aura bien d’autres qui seront dérangés par la familiarité du mot tuxedo, perçu comme paternaliste, vaudeville un peu engoncé dans son régionalisme.

Disons qu’il règne ici un certain flou artistique ; joli paradoxe que ces deux mots anglais se disputant la vedette dans la langue de Molière. Ah, les zones grises !

Or, c’est précisément le genre de situation où l’on demande aux langagiers de faire preuve de jugement linguistique. Ils servent de passeurs, de truchement, de codificateurs de la langue, avec toutes les responsabilités, agréables ou ingrates, que cela entraîne.

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TABLEAU RÉCAPITULATIF

SMOKING ET TUXEDO, deux anglicismes en concurrence, faut le faire…

Sont fous ces Gaulois et ces Québécois !

Terme smoking tuxedo
Lar + -
Rob + -
O-H + -
R-C + -
Ter + -
GDT + -
Mul + :o(
Ant + -
Col + :o(
Dea + :o(
For + :o(
FAB + :o(
USI + :o(

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SOURCES

Lar : Larousse

Rob : Robert

O-H : Hachette

Ter : Termium+

GDT : Grand dictionnaire terminologique

Mul : Multidictionnaire

Ant : Antidote 10

Col : Colpron des anglicismes

Dea : Deak des américanismes

For : Forest des anglicismes

FAB : Le français au bureau

USI : Usito (U. de Sherbrooke)


EN GRAS, DES SOURCES CANADIENNES ET QUÉBÉCOISES

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-  Absent de la source

:o(  Critiqué dans la source

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