Chris MacKinnon, psychologue, et Dre Stéfanie Gingras, spécialiste en soins palliatifs, travaillent ensemble depuis près de huit ans. Ils ont lancé un programme novateur de formation psychosociale offert au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) à l’intention des oncologues associés du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada (CRMCC). La Dre Gingras est médecin traitante au CUSM et M. MacKinnon, docteur en psychologie, est directeur d’une clinique privée de Montréal.
Ils ont élaboré le programme en réponse à une demande du Comité de l’éducation de Soins palliatifs McGill pour une formation psychosociale consolidée visant à aider les associés du CRMCC à faire progresser leur pratique. Le programme a été initialement inspiré du modèle de longue date du Dr Robert Lambert. Ce modèle d’« exposés de cas » est enseigné dans le cadre de la formation en soins spirituels du CUSM. À l’heure actuelle, l’application de ce modèle au domaine de la médecine palliative est unique en son genre.
Selon M. MacKinnon, les circonstances de fin de vie sont souvent chargées d’émotions et d’interactions complexes pour les patients et leur famille, ainsi que pour les médecins accompagnateurs. La formation vise à permettre aux associés d’acquérir des aptitudes de communication renforcées, et à leur faire prendre conscience de leurs propres sentiments et de la façon de composer avec ces derniers. L’objectif principal est que les patients et leur famille, qui vivent des situations de fin de vie souvent traumatisantes, observent des issues constructives.
« Les associés cherchent à mieux remplir leur rôle médical grâce à leurs compétences relationnelles. Pour se faire, ils doivent répondre à plusieurs questionnements. Comment établir une relation avec les patients et les familles de ma pratique? Comment utiliser mes sentiments pour orienter ces interactions? Ce dernier aspect est d’ailleurs très important : les médecins doivent composer avec leurs propres sentiments, et les utiliser pour guider leurs échanges. Dans le cadre de la formation, nous traitons souvent de thèmes comme l’impuissance, l’accablement, le sentiment de blocage, les moyens de contenir sa colère ou le fait de composer avec la tristesse immense, parce que nous devons tous affronter la tragédie de la fin de vie… C’est comme si nous étions dans un laboratoire d’apprentissage des capacités humaines en matière de médecine palliative » – M. MacKinnon
« La diversité des points de vue et la manière dont les gens attribuent différemment un sens aux circonstances sont tellement importantes. Certains des moments les plus riches découlent des perspectives variées vis-à-vis les aboutissements possibles de situations données. Un étudiant pourrait dire : “Attendez, dans ma culture, cette situation serait envisagée sous un angle totalement différent!”. Nous pouvons en outre constater que le vocabulaire compte énormément, soit les mots que nous choisissons et notre façon de poser des questions. En fait, l’écoute englobe toutes ces microcompétences. On n’acquiert pas cette qualité du jour au lendemain, mais on peut la développer en déployant des efforts soutenus. » – M. MacKinnon
Bien que M. MacKinnon et Dre Gingras enseignent occasionnellement à leurs étudiants certains sujets spécialisés, comme l’évaluation psychologique ou la dynamique familiale, le modèle d’éducation du programme est pragmatique : à tour de rôle, les associés choisissent et préparent un cas dont ils se souviennent, puis le groupe reconstitue le cas. Chaque cohorte compte de 6 à 8 associés, lesquels participent à des séances bimestrielles de 90 minutes qui ont lieu pendant une année de formation complémentaire.
L’expertise combinée du psychologue et du médecin est essentielle à la réussite du programme. M. MacKinnon, qui a déjà suivi une formation d’un an axée sur les exposés de cas auprès de M. Lambert, Ph. D., possède une compréhension approfondie du fonctionnement du modèle. La Dre Gingras, qui a suivi une formation médicale rigoureuse, comprend les demandes et les pressions auxquelles les associés font face. À titre de coanimatrice, elle joue le rôle de modèle, et sa longue expérience démontre concrètement l’importance de l’autoréflexion et des aptitudes de communication chez les médecins.
La Dre Gingras croit qu’en plus d’améliorer les compétences en communication des associés et de renforcer leur maturité et leur confiance, cette formation les protège des problèmes de stress qui peuvent découler des sentiments et des craintes passés sous silence et non résolus. Par exemple, de nombreux associés sont souvent aux prises avec des sentiments inexprimés d’échec, d’inaptitude et de honte. Dans le cadre de la formation, les associés ont l’occasion de parler de cas difficiles et de leur approche, et ce, dans un environnement fondé sur la confiance où tous les participants visent l’objectif commun de devenir un meilleur médecin pour leurs patients.
« Cette formation présente plusieurs avantages clés. L’un d’eux est l’acquisition d’excellentes aptitudes à communiquer avec les familles et les patients. Un autre est le renforcement de la maturité. Un troisième est de se fier à ses propres sentiments. Selon moi, un avantage important est l’amélioration de l’état psychologique des associés. Notre expérience indique que cette formation peut prévenir l’épuisement professionnel. Lorsqu’un associé pense qu’il a échoué dans un certain cas, il peut le mentionner aux membres du groupe et nous en parlerons. Il est extrêmement utile de dissiper les émotions négatives. » – Dre Gingras
La Dre Sonia Skamene, qui a suivi le programme pendant deux ans, occupe désormais la fonction de radio-oncologue. Pour elle, prendre conscience de ses propres sentiments et de la façon de communiquer efficacement avec les patients l’a grandement sensibilisé à de nombreuses situations courantes et très difficiles, comme l’annonce d’une mauvaise nouvelle, la confirmation de la compréhension d’un patient de son état, la gestion des questions sur le pronostic et le fait d’affronter l’inconnu.
« Le programme m’a fait vivre une expérience incroyable. M. MacKinnon, qui savait que je m’intéressais aux soins palliatifs, m’a invité à y participer. Les associés de mon groupe se rencontraient pour discuter des cas. De toutes les formations que j’ai reçues, celle‑ci était la seule qui mettait l’accent sur l’analyse psychologique de notre communication avec les patients. Je me souviens avoir été très honnête avec mes collègues. Maintenant, j’applique toutes les leçons que j’ai tirées dans le cadre de ma pratique » – Dre Skamene
La formation est encore prodiguée et pourrait même être élargie. D’ailleurs, d’autres centres de formation en soins palliatifs situés à l’extérieur de Montréal ont communiqué à M. MacKinnon et la Dre Gingras leur intérêt pour le programme.