Ainsi parle l'Eternel :
Placez-vous sur les chemins, regardez,
demandez quels sont les anciens sentiers,
Quelle est la bonne voie; marchez-y,
Et vous trouverez le repos de vos âmes !
-Jérémie 6:16
LES RITES DE PASSAGE DANS LA VIE DES CRIS
Comme les familles et les communautés partout au Québec, les familles Crie du nord du Québec ne manquent jamais de célébrer joyeusement les fêtes, les remises de diplômes, les mariages et les anniversaires. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres, les familles élargies Cries célèbrent également les cérémonies plus mémorables, ou rites de passage, qui marquent les étapes importantes de la vie de chaque personne : lorsqu’un bébé naît et est nommé; les premiers pas du bambin lorsqu’il touche la terre pour la première fois à l’extérieur de l’habitation; la première marche en raquettes de l’enfant; la célébration de la première chasse ou de la première lune de l’adolescent; les cérémonies de vision des adultes; et, plus tard, la mort de la personne qui est marquée par le rite de passage du lâcher-prise en fin de vie, suivi plus tard de la remise de souvenirs.
Les cérémonies comme celle des premiers pas et celle de la première marche en raquettes furent peu fréquentes pendant plusieurs décennies, jusqu’à leur réintroduction au milieu des années 1970. Bien que la scolarité en pensionnat ait gravement perturbé les cérémonies de la première chasse et de la première lune associées à la puberté, elles ont été, et sont encore aujourd'hui, reconquises et réappropriées. Et les services médicaux modernes se sont immiscés dans les modèles sociaux qui célébraient autrefois chaque personne au début et à la fin du voyage de sa vie.
Au cours des dernières années, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, ou la Région 18 des services de santé et des services sociaux du Québec, a introduit, ou plutôt réintroduit, des services de sages-femmes et un retour progressif aux rites de passage cris entourant la naissance. Ces services ont débuté à Chisasibi, la plus grande communauté, et sont systématiquement étendus aux huit autres communautés cries. Avant cela, toutes les femmes enceintes de chacune des neuf communautés cries devaient se rendre principalement à Val-d’Or ou à Chibougamau pour accoucher. Aujourd’hui, cette situation est en train de changer et, bientôt, les services de sages-femmes seront un aspect ordinaire des soins de santé maternelle dans la région.
Il reste donc un rite de passage important qui n’a pas encore été intégré aux services de santé : celui qui marque l’expérience de la vie d’une personne à la croisée des chemins de son aboutissement – la version crie d’une approche palliative des soins aux mourants.
TRAVAILLER À SOUTENIR CETTE APPROCHE PALLIATIVE CRIE DANS LES SERVICES
- Grâce à une meilleure coordination
La politique québécoise sur les soins palliatifs stipule que le principal problème des services de soins palliatifs est la faiblesse des mécanismes de coordination, ce qui caractérise la situation du Conseil cri de la santé. Cependant, il bénéficie d’un projet financé par le Programme de contribution pour les politiques en matière de soins de santé de Santé Canada pour étudier comment adapter les services aux Cris en se concentrant sur quatre activités. Avec le projet comme catalyseur, l’organisation planifie désormais activement la manière de structurer et de coordonner les soins palliatifs au sein de ses services.
Les soins palliatifs pour les Cris ne concernent pas seulement le Conseil cri de la santé, mais également les trois autres régions où les patients cris atteints d’une maladie grave de longue durée sont envoyés pour recevoir des soins spécialisés, notamment palliatifs. Au cours des cinq années se terminant en 2019-20, une moyenne annuelle d’environ 28 Cris étaient diagnostiqués comme devant recevoir des soins palliatifs et mouraient dans des hôpitaux à l’extérieur de la région. Cela représentait environ 40% des décès annuels et constitue à tout le moins l’évaluation la plus basse. D’autres personnes sont décédées à la suite de maladies graves de longue durée, mais n’étaient pas nécessairement documentées comme recevant des soins palliatifs, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la région.
Pendant le confinement, il était impossible de créer des liens dans le contexte du continuum de soins avec les régions de l’Abitibi, du Nord-du-Québec et de Montréal. Cependant, récemment, la journée de formation professionnelle continue de McGill sur les soins palliatifs a permis de relier directement les soins palliatifs de McGill à la planification du Conseil cri de la santé dans ce domaine.
- Grâce à la documentation de ce qui se passe
Afin de comprendre ce qui se passe au sein des services avant de proposer des améliorations, le projet est à l’écoute des expériences des travailleurs de la santé et de ceux qui gèrent les services communautaires, ainsi que de leurs espoirs d’améliorations à y apporter; il documente les ressources actuelles et explore les besoins de formation et la meilleure façon d’y accéder pour les professionnels, les paraprofessionnels et les aides communautaires.
- Grâce à l’auto-évaluation des services cliniques locaux
Une deuxième étape dans la documentation de l’état de la situation consiste à détailler la suffisance et la pertinence des services que les cliniques locales ont récemment offerts aux patients en phase terminale de maladies graves ainsi qu’à leurs familles. Un outil d’auto-évaluation est à l’étude pour les cliniques qui souhaitent examiner leurs pratiques passées dans le contexte des ressources qui leur sont disponibles.
- Grâce à la promotion des approches linguistiques et culturelles
Avec le taux de rétention de langue autochtone le plus élevé de toutes les régions du Canada, presque tous les Cris parlent le cri comme première langue, à la maison et avec leurs amis. Au Conseil cri de la santé, la majorité des gestionnaires sont cris et tous les paras professionnels sont cris; toutefois, il n’y a que deux médecins et seulement une poignée d’infirmières et d’infirmiers cris. À l’heure actuelle, le Conseil cri de la santé n’a ni politique ni plan linguistique, et aucun interprète n’est officiellement engagé dans les services, bien que beaucoup soient engagés à d’autres titres pour interpréter également. Le projet a développé une terminologie et des concepts cris communs aux discussions sur l’approche palliative et travaille à rendre tous les glossaires médicaux existants accessibles sur le site internet de l’organisation. En même temps, le projet interroge les aînés et d’autres personnes pour comprendre comment adapter les services à une approche qui sera familière et sûre.
LA NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE PALLIATIVE
À l’instar de l’accouchement, le traitement de la mort dans l’Eeyou Istchee est devenu médicalisé et est souvent très éloigné des modèles réconfortants, familiers et familiaux que l’on retrouve uniquement au sein de la famille, de la communauté et de la langue. Les rites de passage cris au moment de la mort étaient fondés sur une compréhension commune et des pratiques connues pour être témoins, ensemble, de la transition finale de cette personne et de son départ pour un nouveau voyage. Aujourd'hui, les gens des communautés et ceux qui travaillent dans les services de santé sont prêts à soutenir les initiatives qui visent à adapter les services, afin de trouver une meilleure approche pour faciliter le chemin de ceux qui meurent et de ceux qu’ils laissent derrière eux.