Le 3 mai 2024, plus de 200 professeurs, étudiants, anciens collègues, mentors, amis et proches sont venus des quatre coins du monde pour commémorer l’héritage du professeur Jerry Pelletier, dont les contributions exceptionnelles aux domaines de la biologie de l’ARN, des traitements à base d’ARN et de la recherche sur le cancer continuent de susciter l’admiration de la communauté scientifique. L’influence considérable qu’a eue le professeur Pelletier sur les personnes qui ont eu la chance de le connaître était palpable tout au long de l’événement; en effet, plusieurs ont profité de l’occasion pour évoquer souvenirs et anecdotes sur la vie et les travaux de l’illustre disparu.
C’est l’allocution sentie du professeur Thomas Duchaine, directeur du Département de biochimie de l’Université McGill, qui a ouvert le bal. Martha Crago, vice-rectrice à la recherche et à l’innovation, lui a ensuite succédé, en évoquant la clarté avec laquelle le professeur Pelletier expliquait des concepts abstraits sur l’ARN et comment son influence perdure encore à McGill.
Nahum Sonenberg, professeur James-McGill au Département de biochimie, s’est remémoré le passage du professeur Pelletier, alors étudiant au doctorat, dans son laboratoire au cours des années 1980. Pendant ces sept années, le professeur Pelletier s’est complètement voué au domaine de la biologie de l’ARN. C’est d’ailleurs à cette époque qu’il a entrepris ses travaux de pointe qui ont révolutionné notre compréhension de la traduction de l’ARN messager cellulaire et viral.
David Housman, professeur de biologie à l’Institut de technologie du Massachusetts, a évoqué la richesse des travaux et la personnalité du jeune scientifique, qui avait rejoint son laboratoire pour y poursuivre ses études postdoctorales. Totalement happé par le domaine de la génétique, le professeur Pelletier s’était alors consacré principalement à l’étude de la tumeur de Wilms, cancer du rein touchant les jeunes enfants. Le professeur Housman a aussi raconté une randonnée en canot inoubliable, autant pour les embûches rencontrées que pour la résilience et la débrouillardise dont avait fait preuve le professeur Pelletier.
Philippe Gros, professeur au Département de biochimie et premier vice-recteur adjoint à la recherche et à l’innovation à l’Université McGill, a parlé de Phagetech, une entreprise que le professeur Pelletier, Mike Dubow et lui‑même ont fondée, et pilotée de 1997 à 2005. Le professeur Gros a raconté avec humour quelques anecdotes datant de l’époque où Phagetech était une jeune pousse, soulignant l’esprit entrepreneurial et l’approche innovante du professeur Pelletier. Ce dernier a notamment imprimé le plan d’affaires de l’entreprise dans une fourgonnette à l’aide d’une imprimante à piles, alors qu’il était en route vers une réunion de présentation. Malgré des débuts modestes, Phagetech a connu un succès considérable, générant de nombreux articles scientifiques et se retrouvant même en première page de la revue Nature Biotechnology.
Isaac Edery, professeur au Département de biologie moléculaire et de biochimie à l’Université Rutgers, a raconté l’époque où celui qu’il a gentiment surnommé le « ninja de la science » étudiait avec lui au premier cycle à l’Université McGill. Le professeur Edery a souligné que son acolyte était constamment à la recherche d’idées novatrices, mais qu’il menait cette quête en toute humilité, sans jamais chercher le feu des projecteurs. « Demeurer authentique, penser par soi-même, être humble, apprendre à maîtriser son art, chercher à se dépasser et profiter de la vie », voilà les conseils que donnerait le professeur Pelletier aux jeunes scientifiques d’aujourd’hui, a conclu le professeur Edery.
D’autres orateurs et oratrices se sont ensuite succédé à la tribune du symposium pour raconter avec émotion des anecdotes sur la vie et l’œuvre du professeur Pelletier. Robert Schneider, de NYU Langone Health, a affirmé que nous étions tous redevables au professeur Pelletier pour ses travaux d’exploration de la voie médicamenteuse dans la régulation de la traduction en cas de cancer. John Porco, de l’Université de Boston, a dépeint le professeur Pelletier comme un chercheur à la curiosité insatiable et a souligné le rôle de premier plan qu’il a joué au sein du groupe qui a découvert et étudié la capacité de fixation des rocaglates et d’autres molécules aux complexes ARN-protéines. Masad Damha, de l’Université McGill, a salué la ténacité du professeur Pelletier, qui ne baissait jamais les bras devant une question de recherche complexe. Il a aussi affirmé que, grâce au professeur, il avait découvert à quel point l’ARN de synthèse pouvait se révéler un outil puissant dans l’étude de la structure et du fonctionnement de l’ARN. Scott Lowe, du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, a parlé de l’aura du professeur Pelletier, le comparant à un personnage du film La vie est belle, qui transformait profondément la vie des personnes qu’il croisait.
Josie Ursini-Siegel, professeure au Département d’oncologie de l’Université McGill, a quant à elle abordé les plus récentes initiatives de recherche du professeur Pelletier, notamment ses travaux sur la mise au point d’un inhibiteur de l’eIF4A de deuxième génération, nommé « MG-002 », ciblant le dérèglement du début de la traduction en cas de cancer. Elle a aussi souligné à quel point le professeur Pelletier était investi dans ses recherches : malgré sa maladie, il s’était assuré de terminer une demande de subvention pour que l’étude prévue ait lieu.
L’apport du professeur Pelletier au domaine de l’ARN a été considérable, tout comme son influence sur la vie des personnes qui l’entouraient. Cette influence était telle que lorsqu’il est tombé malade, ses collègues se sont mobilisés afin d’explorer la possibilité de mettre en pratique leurs théories de précision en temps réel. L’Université McGill y a alors vu l’occasion de véritablement changer la donne, particulièrement dans le cas des tumeurs rares. C’est ainsi que l’Initiative Jerry-Pelletier en oncologie de précision contre les cancers rares est née. Comme l’a précisé Philippe Gros, cette dernière est issue d’une collaboration entre l’Institut du cancer Rosalind-et-Morris-Goodman, l’Institut de médecine génomique Victor-Phillip-Dahdaleh, les instituts de recherche des hôpitaux affiliés à l’Université McGill et plusieurs entreprises partenaires.
Morag Park, directrice de l’Institut du cancer Rosalind-et-Morris-Goodman, a clos cet hommage en citant les cinq plus grandes contributions du professeur Pelletier au domaine de l’ARN, selon l’illustre scientifique lui-même (énumérées ci-après). Brillant chercheur et formidable mentor, le professeur Pelletier a pris sous son aile plus de 50 étudiants et offert ses conseils judicieux à beaucoup d’autres qui, forts de ses enseignements, ont depuis tracé leur voie dans le domaine de la recherche et du développement. Par la suite, l’auditoire a eu le plaisir d’apprendre la création de la Bourse de recherche sur le cancer Jerry‑Pelletier, dont l’objectif est de poursuivre l’œuvre du professeur en épaulant les futures générations de scientifiques de l’Université McGill.
En honorant la mémoire du professeur Jerry Pelletier, nous soulignons sa brillante carrière en sciences, mais aussi son admirable parcours fait d’innovation, de collaboration et de découverte.
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Sincères remerciements aux organisateurs, notamment Sidong Huang, Ph. D, Thomas Duchaine, Ph. D., le Dr Ivan Topisrovic, Marc FabianÌý, Ph. D. et Vanessa Cordeiro Rodrigues, ainsi qu’à la Fondation Richard-et-Edith-Strauss, au Département de biochimie, à l’Institut du cancer Rosalind-et-Morris-Goodman, à la Faculté de médecine et des sciences de la santé, et au vice-rectorat à la recherche et à l’innovation, pour cette célébration de la vie et de l’œuvre du professeur Pelletier et pour ces échanges qui, encore aujourd’hui, façonnent l’avenir des traitements à ARN.
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Contributions les plus notables du professeur Jerry Pelletier:
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Découverte des IRES – Pelletier, J. et Sonenberg, N. (1988). Internal Initiation of Translation of Eukaryotic mRNA Directed by a Sequence Derived from Poliovirus RNA. Nature, 334, 320-325.
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Découverte des fondements génétiques du syndrome de Denys-Drash – Pelletier, J. et coll. (1991). Germline Mutations in the Wilms' Tumor Suppressor Gene Disrupt Urogenital Development in Humans. Cell, 67, 437-447.
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Pour la première fois, établissement d’un lien entre les mutations du gène p53 et la chimiorésistance dans le cancer chez l’être humain – Bardeesy, N. et coll. (1994). Nature Genet, 7, 91-97.
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Mise au jour et caractérisation de trois produits naturels agissant comme inhibiteurs sélectifs des hélicases à boîte DEAD, eIF4A. I) Bordeleau, M.-E. et coll. (2005). Proc Natl Acad Sci USA, 102, 10460-10465. II) Bordeleau, M.-E. et coll. (2006) Nat Chem Biol, 2, 213-220. III) Bordeleau, M.E. et coll. (2008). J Clin Inv, 118, 2651-2660.
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Démonstration : le dérèglement de la traduction dans les tumeurs sous la coupe de la protéine MYC est une vulnérabilité tumorospécifique – I) Wendel, G. et coll. (2004). Nature, 428, 332. II) Wendel, G. et coll. (2007). Genes Dev., 21, 3232. III) Lin, B. et coll. (2012). Cell Reports, 1, 325. IV) Robert, F. et coll. (2014). PNAS, 111, 13421.