J’ai passé une bonne partie de ma carrière au carrefour des secteurs universitaire, public et privé, soit là où les choses se passent. À l’approche de la fin de mon mandat de vice-rectrice à la recherche et à l’innovation à l’Université McGill, je me suis livrée à une réflexion sur nos réalisations et sur les moyens utilisés pour les mener à bien.
Ce que je retiens avant tout, c’est que le progrès passe inéluctablement par la collaboration entre les universités, les entreprises et les gouvernements, mais également entre les pays et les disciplines. On l’a constaté dans de nombreux domaines, dont l’, la biodiversité, le stockage de l’énergie et les neurosciences.
La mise au point rapide de vaccins à ARNm contre le SRAS-CoV-2 — rendue possible grâce aux recherches antérieures sur l’ARNm, notamment celles de Nahum Sonenberg, de l’Université McGill — est un exemple probant des progrès rapides que les scientifiques du monde entier peuvent réaliser en travaillant de concert, avec l’appui financier du public et du privé.
Au cours des sept dernières années, la communauté de recherche de l’Université McGill et moi-même nous sommes employées à intensifier les collaborations de l’Université, notamment en médecine génomique.
La recherche génomique est extrêmement prometteuse pour la lutte contre un bon nombre de maladies, notamment le cancer. Il reste de nombreux défis à relever, particulièrement pour transformer les découvertes en traitements efficaces. Et c’est grâce à la collaboration que nous les relèverons.
Dans ce domaine, deux des principaux partenariats de l’Université McGill ont été conclus avec le Japon. En effet, nous avons mis sur pied un programme de doctorat conjoint avec l’Université de Kyoto, et nous entretenons une relation importante, dans le même pays, avec le RIKEN Center for Integrated Medical Sciences. Aucun de ces partenariats n’aurait été possible sans le soutien visionnaire de Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, qui a compris leur potentiel et qui a accepté que les Fonds de recherche du Québec, qu’il dirige, les financent.
L’Université McGill a lancé l’an dernier l’Institut de médecine génomique Victor-Phillip-Dahdaleh grâce à un don de 30Ìýmillions de dollars de l’entrepreneur et philanthrope et de son épouse, Mona Dahdaleh. L’Institut mène des recherches d’avant-garde pour l’élaboration d’outils diagnostiques novateurs, de traitements ciblés, de produits pharmaceutiques et de vaccins, ainsi que de cadres et de mécanismes de partage de données pour la mise en oeuvre de ces innovations.
L’Université fait depuis longtemps oeuvre de pionnière dans ce domaine, soit depuis Charles Scriver, dont le travail a mené à la mise en place de programmes de dépistage de maladies congénitales chez les nouveau-nés et à la création, en 1972, du groupe sur la génétique médicale de l’Université McGill.
Par ailleurs, l’an dernier, l’Institut Dahdaleh a permis à l’Université McGill d’obtenir une subvention de 165Ìýmillions de dollars du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada. Grâce à cette subvention, l’une des plus importantes de l’histoire de l’Université, on pourra concrétiser le programme De l’ADN à l’ARN (D2R), consacré à la recherche de traitements à ARN, notamment pour les groupes mal servis. À cet investissement se sont ajoutés des fonds provenant du privé et du public ainsi que d’universités, de partenaires du milieu et d’organisations sans but lucratif de quatre continents, pour un total de 191Ìýmillions de dollars.
L’Institut Dahdaleh, en partenariat avec RIKEN, l’Université de Kyoto, la Fondation Pasteur Japon et la UK Biobank, organise l’International Symposium on Genomic Medicine, Therapeutics and Health qui se tiendra du 8 au 10Ìýavril à Tokyo. Mark Lathrop, qui dirige l’Institut Dahdaleh et le programme D2R, compte parmi les principaux organisateurs.
Le programme du Symposium est à la fine pointe de la science. On y abordera notamment les découvertes informatiques permettant l’utilisation de bases de données massives qui éclaireront les liens de cause à effet entre certains gènes et certaines maladies. L’objectif plus large du Symposium est l’approfondissement des collaborations scientifiques entre le milieu universitaire et le secteur privé, tous continents, disciplines et générations confondus.
Les partenariats internationaux font partie de l’ADN de l’Université McGill. En attirant les cerveaux les plus brillants, ils améliorent l’écosystème de recherche de l’Université et de Montréal. Sans ces partenariats cruciaux, l’Université ne pourrait établir des liens entre le Québec — et le Canada dans son ensemble — et le reste du monde.
Un programme de l’Union européenne récemment mis sur pied, Horizon Europe, offre de nouvelles possibilités de collaboration. L’Université McGill a participé à 38 projets de son prédécesseur moins ambitieux, Horizon 2020, ce qui fait de l’Université le plus important collaborateur canadien du programme, avec l’Université de Toronto.
Ces partenariats institutionnels ne se concluent pas du jour au lendemain. Ils nécessitent la vision, l’ambition et l’engagement de chercheuses et de chercheurs ainsi que le soutien d’universités, de philanthropes, de gouvernements et d’organismes publics de financement.
Menacer le financement de l’Université McGill, c’est menacer son rôle essentiel dans la création de liens économiques et scientifiques qui profitent au Québec.
Il faut absolument continuer de favoriser et d’entretenir ces partenariats.
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Martha Crago est vice- rectrice, recherche et l'innovation de l'Université McGill. Son mandat se termine le 30 juin 2024.
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