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D’entrepreneure insoupçonnée à PDG

Anaïs Lacroix, BCL/JD'11, cofondatrice et cheffe de la direction de Latitude, s’ouvre sur la genèse de son cabinet spécialisé en prévention du harcèlement, qui a connu une croissance éclatante de plus de 700 % en trois ans.

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Pendant ses études à la Faculté de droit de l’Université McGill, Anaïs Lacroix, BCL/JD’11, aurait été la première surprise d’apprendre qu’elle se lancerait en affaires à 32 ans et qu’elle dirigerait un cabinet de 50 employés actuellement en plein essor.

« Je n’avais pas du tout la bosse des affaires. C’est ma sœur qui vendait de la limonade aux passants. Moi, j’étais attirée vers le droit pour la joute intellectuelle et la sécurité du titre d’avocat », raconte Anaïs Lacroix, cheffe de la direction, avocate-enquêtrice et médiatrice chez Latitude Management.

Son cabinet se spécialise dans un nouveau champ du droit, soit la prévention et la gestion du harcèlement, de la violence et de la discrimination au travail, ce qui lui a permis de connaître une croissance fulgurante de son chiffre d’affaires. En 2023, Latitude fait son entrée dans le classement Canada’s Top Growing Companies du Globe and Mail au 56e rang national, tous secteurs confondus, avec une croissance de 716% sur trois ans. En 2024, toujours le vent dans les voiles, la firme y apparaît de nouveau au 65e rang, avec 644% de croissance sur trois ans.

L’idée de créer son propre cabinet s’est imposée peu à peu entre 2012 et 2018 alors que la jeune avocate en droit du travail exerçait au sein d’un cabinet d’avocats international, puis dans une firme en ressources humaines. « À mon premier congé de maternité, j’ai décidé de me consacrer à ma passion pour la prévention et le règlement de différend, et en particulier l’enquête. À mon deuxième congé de maternité, j’ai réalisé que j’avais une vision à réaliser. »

En 2019, elle lance son cabinet avec un positionnement unique au Canada : non seulement Latitude Management se spécialisera dans les questions de harcèlement au travail, mais il agira en tant que « tiers neutre ». « Habituellement, les avocats en droit du travail représentent la partie syndicale ou patronale. Nous, nous intervenons à la demande de l’une ou l’autre des parties, ou encore des deux, dans le cadre d’une démarche paritaire. »

L’affaire intéresse très vite une clientèle de grandes organisations québécoises et pancanadiennes, mais également des ministères et organismes fédéraux.

Anaïs Lacroix profite d’un allié de taille, son associé et conjoint, David Ward. Celui-ci n’est pas avocat, mais détenteur d’une maîtrise de HEC et membre de l’Ordre des administrateurs agréés du Québec. Spécialiste des ressources humaines, il avait lancé depuis 2012 diverses entreprises actives dans ce domaine. Chef de l’exploitation, David Ward veille à la gestion stratégique des opérations internes de l'entreprise, tout en chapeautant les services d’analyse de climat de travail et de résolution de conflits. « Notre intention, dit-elle, est de devenir la référence au Canada dans notre domaine. »

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Les évolutions du droit

Anaïs Lacroix se félicite d’avoir choisi l’Université McGill pour sa formation, qui l’a particulièrement bien préparée à agir dans un domaine en forte évolution, dit-elle. « Oui, la faculté est bijuridique et bilingue, mais ce qui la distingue réellement, c’est l’accent qu’elle met sur la réflexion quant aux transformations du droit et de la société plutôt que la seule procédure. Comme dirigeante d’entreprise, ça me sert énormément pour voir ce qui vient. »

En matière de harcèlement, de violence et de discrimination, les tribunaux ont rendu de nombreuses décisions depuis 20 ans qui ont amené les gouvernements à devoir codifier les pratiques. Depuis 2021, le fédéral a régulé la prévention de la violence et du harcèlement en balisant la procédure à suivre en cas de plainte. Et voici que le gouvernement du Québec arrive avec son projet de loi 42 visant à renforcer les mesures de prévention et de lutte contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail qui existent dans la Loi sur les normes du travail depuis 2004. « Cette nouvelle loi va encadrer tout le processus et intensifier les obligations des employeurs en la matière », annonce Me Lacroix, qui salue la volonté du législateur de favoriser davantage la prévention plutôt que l’intervention punitive.

Pendant longtemps, le harcèlement et la violence à caractère sexuelle avaient été assimilés implicitement à une forme de harcèlement psychologique, mais le gouvernement du Québec en est venu à définir la violence à caractère sexuel de manière distincte et à clarifier les actions à prendre dans ce cas précis dans plusieurs lois du travail. Le projet de loi 42 frappe fort pour faciliter le processus de plainte, l’accès à la justice, et l’indemnisation des victimes, et en introduisant des formations en prévention pour les gestionnaires et le personnel ainsi que des processus de vérification.

L’une des grandes avancées du projet de loi 42 touche l’interdiction des clauses d’amnistie, explique Anaïs Lacroix. « Dans les conventions collectives, une personne ayant commis une inconduite grave pouvait voir son dossier effacé après deux ans grâce aux clauses d’amnistie qui la soustrayait à la gradation des mesures disciplinaires. Cette disposition avait le défaut d’encourager la récidive. »

Anaïs Lacroix dit adorer le défi de diriger une entreprise qui se spécialise dans une pratique du droit qui existait à peine il y a 15 ans. « C’est hyperstimulant et même si je ne m’étais jamais définie comme entrepreneure pendant mes études, je ne reviendrais plus en arrière.»

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