Entretien avec Madhukar Pai et Dick Menzies pour la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose
Le 24 mars est la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose. Tristement, cette maladie ancienne, dont les premières victimes ont été recensées il y a 2600 ans, est encore en 2019 la maladie infectieuse la plus meurtrière pour l’humanité.
Au Canada, le taux de tuberculose, ou TB, chez les Inuits est environ 280 fois supérieur à celui qu’on observe dans la population non autochtone née au Canada. Le gouvernement canadien s’est heureusement engagé à éradiquer la tuberculose dans l’Inuit Nunangat d’ici 2030. Plus tôt ce mois-ci, le premier ministre Trudeau a présenté les excuses du gouvernement pour les injustices qu’ont vécues par le passé les Inuits atteints de la tuberculose.
Le rassemble plus de 15 chercheurs de l’Université McGill et de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ayant une expertise en sciences fondamentales, en recherche clinique ainsi qu’en santé publique et mondiale. Les recherches du Centre ont eu une influence directe sur plusieurs politiques nationales et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de diagnostic et de traitement de la TB. Le Centre tiendra le 22 mars prochain sa Journée de la recherche sur la TB, organisée chaque année à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose.
Récemment reconnu comme centre collaborateur de l’OMS et de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) en recherche sur la TB, le Centre de TB soulignera officiellement cette désignation lors de sa Journée de la recherche. Le Dr Dick Menzies, professeur de pneumologie et d’épidémiologie, est le directeur du centre collaborateur de l’OMS.
Le lancement du rapport de la Commission de The Lancet sur la tuberculose aura également lieu lors de la Journée de la recherche. Le Dr Madhukar Pai, directeur du Centre international de TB et des Programmes de santé mondiale de McGill, en est l’un des commissaires.
Les Drs Menzies et Pai ont répondu à quelques questions en amont de la Journée de la recherche du 22 mars et de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, le 24 mars.
- Pourquoi la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose est-elle importante pour vous et votre travail?
Dr Pai : La Journée mondiale de lutte contre la tuberculose vise à sensibiliser le public au sujet de l’impact de la TB dans le monde. L’événement commémore la date, en 1882, où le Dr Robert Koch, un scientifique allemand, a annoncé avoir découvert le bacille à l’origine de la maladie, Mycobacterium tuberculosis.
Malgré les progrès réalisés depuis cette découverte, le bilan de la TB demeure énorme pour l’humanité. Chaque année, 10 millions de personnes contractent la maladie, et 1,6 million meurent de cette infection bactérienne pourtant guérissable.
Cette journée est donc une excellente occasion de réaffirmer notre volonté de combattre la tuberculose et d’investir davantage en recherche, en formation et en élaboration de politiques. Le Centre de TB de McGill vise à jouer un rôle important dans l’éradication de la maladie, à l’échelle nationale et mondiale.
- Que signifie la désignation de l’OMS-OPS pour le Centre international de TB de McGill?
Dr Menzies : La désignation de centre collaborateur représente une occasion unique pour les chercheurs mcgillois de voir leurs résultats de recherche appliqués directement dans le cadre de politiques mondiales. Cela donnera aux chercheurs et à leurs stagiaires la chance d’influencer l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques et des recommandations, directement par leur travail et lors de rencontres de haut niveau avec des acteurs internationaux.
- Comment cette nouvelle collaboration avec l’OMS aidera-t-elle concrètement à éradiquer la TB à l’échelle mondiale?
Dr. Menzies : Le Centre collaborateur de McGill (CCM) fournira des données probantes et des résumés de données pour étayer les politiques et recommandations de l’OMS au sujet de la TB. Il aidera aussi à planifier et à convoquer des rencontres avec l’OMS, des partenaires mondiaux et des organismes subventionnaires pour discuter de politiques publiques et de leur mise en œuvre.
Le CCM contribuera également à renforcer les capacités de recherche dans les pays à forte incidence de TB, c’est-à -dire ceux qui sont les plus touchés par la maladie, qui doivent souvent se tourner vers des chercheurs de pays à revenu élevé (mais à faible incidence de TB) pour mener les recherches nécessaires, faute d’infrastructures de recherche suffisantes localement. Le rôle du CCM consistera à former du personnel hautement qualifié, à offrir des cours aux chercheurs et à conseiller les pays à revenu faible et intermédiaire au sujet de la création d’une infrastructure de recherche durable.
- Pourquoi la TB demeure-t-elle un problème mondial, même si l’on comprend beaucoup mieux la maladie aujourd’hui? Quels sont les messages clés de la Commission de The Lancet sur la tuberculose?
Dr Pai : La TB est une maladie de la pauvreté. Elle continue à sévir en raison des déterminants sociaux de la santé, du sous-investissement des gouvernements, des technologies désuètes, et du manque de volonté politique.
Selon la , la réduction de la mortalité liée à la TB présenterait d’importants avantages financiers – on estime que les économies réalisées en prévenant un décès des suites de la tuberculose sont trois fois supérieures aux coûts engagés, et même beaucoup plus dans de nombreux pays.
Il est possible d’éradiquer la TB si la volonté politique et les ressources financières sont dirigées vers des mesures prioritaires : assurer à tous des interventions fondées sur les données probantes, en particulier dans les groupes à risque élevé, et accélérer la recherche afin de mettre au point de nouvelles méthodes pour diagnostiquer, traiter et prévenir la TB. Il faudra investir de façon substantielle pour financer ces efforts, et mettre en place des mécanismes de reddition de comptes pour vérifier que les promesses sont tenues et les cibles sont atteintes.
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