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Les jardiniers du cerveau

Les microglies « élaguent » les synapses pour façonner et améliorer les réseaux neuronaux lors du développement

Le printemps bat son plein et les jardiniers s’affairent à semer, répandre de l’engrais et désherber, en prévision de la saison estivale. Dans le cerveau, une autre catégorie de jardiniers travaille l’année durant pour faire en sorte que nos réseaux neuronaux prennent la forme requise pour nous aider à nous développer, à nous adapter et à nous épanouir.

Du nom de microglies, ces jardiniers sont des cellules qui agissent sur le plan immunitaire en éliminant les débris et les neurones morts afin de favoriser la santé du système nerveux central. Elles y parviennent au moyen d’un processus appelé phagocytose, qui leur permet de s’étendre pour emprisonner et ingérer des objets environnants. Les scientifiques croient que les microglies aident également le développement en santé du cerveau en consommant ou en « élaguant » des parties des axones, les prolongements des neurones qui contiennent les synapses.

Les synapses sont des contacts qui permettent aux neurones de communiquer entre eux au moyen de signaux. L’élagage des axones agit donc sur la transmission des signaux entre les neurones et détermine la façon dont notre cerveau transfère l’information d’une région à l’autre, y compris l’information allant des organes sensoriels (peau oreilles, nez, yeux) aux parties du cerveau qui la traitent.

Jusqu’à tout récemment, nous disposions uniquement de renseignements indirects sur l’élagage des axones par les microglies, dont aucune information provenant d’épreuves effectuées sur des sources vivantes (dites in vivo). Par exemple, des études avaient permis de retrouver des parties d’axones à l’intérieur de microglies, ce qui laissait présager leur ingestion. De plus, lorsque les microglies s’appauvrissent, les axones s’allongent et produisent davantage de contacts synaptiques. Des questions demeurent sur les effets de l’élagage sur le développement neuronal, et sur les facteurs autres que la phagocytose qui pourraient, le cas échéant, être impliqués dans ce processus.

Chercheur postdoctoral au laboratoire d’Ed Ruthazer du Neuro, Tony Lim a décidé d’en apprendre davantage sur ce phénomène. Les chercheurs du laboratoire ont conçu une expérience sur des têtards de Xénope qui, en raison de leur translucidité, permettent de voir le cerveau chez l’animal vivant. Ils ont marqué les microglies d’une teinture rouge et les cellules du ganglion rétinien d’une teinture verte, de façon à suivre leur comportement en temps réel chez l’animal vivant au moyen d’un microscope puissant.

En présence d’axones teints en vert, la part de teinture verte des microglies teintes en rouge augmente, ce qui donne à penser un transfert de protéines des axones aux microglies, un processus qu’occasionnerait la phagocytose. Coup de chance, les enquêteurs ont réussi à capter des images de microglies en train de grignoter des bouts d’axones!

Pour évaluer l’effet de cet élagage sur le développement, l’équipe de chercheurs a appauvri des cellules microgliales de têtards et constaté que cela avait causé un accroissement de la taille des axones rétiniens et une modification de la réaction comportementale aux stimulations visuelles.

Les cellules de l’organisme encouragent les microglies à les grignoter en se parant d’une protéine appelée « complément C3 », souvent qualifiée de signal « mange-moi ». En interrogeant des bases de données génétiques, les scientifiques ont identifié une molécule appelée aRCA3 qui devait selon eux inhiber la C3. Les chercheurs ont exprimé (ou placé) une aRCA3 sur la surface des axones et confirmé qu’elle faisait cesser l’élagage des axones. Les chercheurs en ont conclu que la protéine complément C3 jouait un rôle important de ciblage de parties d’axones à des fins d’élagage par les cellules microgliales.

Pour le démontrer, ils ont exprimé des niveaux excessifs de complément C3 sur les axones de cellules ganglionnaires rétiniennes et constaté un accroissement de l’élagage des axones. Ce constat est particulièrement intéressant étant donné que les mutations de la voie du complément humain sont parmi les plus grands signes précurseurs génétiques de la schizophrénie, ce qui laisse présager un lien possible entre la phagocytose des axones par les microglies et les troubles neurodéveloppementaux comme la schizophrénie et l’autisme.

L’étude offre les premières preuves in vivo directes de l’élagage des axones par les microglies, ce qui favorise le réseautage approprié des neurones durant le développement. Dans ce modèle, les neurones signalent la nécessité d’élaguer les axones en exprimant des protéines régulatrices. Les microglies se mettent ensuite à l’œuvre.

En présence d’axones teints en vert, la part de teinture verte des microglies teintes en rouge augmente, ce qui donne à penser un transfert de protéines des axones aux microglies, un processus qu’occasionnerait la phagocytose

« Les neuroscientifiques du développement laissent depuis des années entendre que le système immunitaire jouerait un rôle important dans le développement sain du cerveau », affirme Ed Ruthazer. « L’étude de Tony montre que les microglies, des cellules immunitaires du cerveau, interviennent directement dans le façonnage des prolongements des axones et lève le voile sur un mécanisme possible d’action de mutations génétiques de la voie du complément sur l’apparition de troubles neurodéveloppementaux. »

L'étude, "Microglial trogocytosis and the complement system regulate axonal pruning in vivo", par Tony KY Lim et Edward S Ruthazer, a été publiée dans la revue eLife le 16 mars, 2021. .

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