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Électrification des parcs de camions : une solution pour réduire les émissions de CO2 au Québec

Des chercheurs en génie de McGill s’unissent au privé pour écologiser les transports

Si les automobiles électriques sont de plus en plus nombreuses au sortir des chaînes de montage partout dans le monde, les camions électriques, eux, tirent de l’arrière. Ce retard tient en grande partie aux batteries et aux moteurs plus gros et plus lourds que requièrent ces véhicules.

Mais les chercheurs de la Faculté de génie de l’Université McGill n’ont pas dit leur dernier mot et poursuivent inlassablement leur quête de solutions pour écologiser les transports au Canada.

« L’électrification des véhicules routiers aurait un effet bœuf », affirme Benoit Boulet, professeur de génie électrique et vice-doyen à la recherche et à l’innovation à la Faculté. « Si tous les véhicules étaient électriques, les émissions de CO2 diminueraient de 27 % au Canada et d’environ 43 % au Québec. »

Les membres du Laboratoire d’automatisation intelligente du Pr Boulet travaillent depuis une dizaine d’années à la mise au point de transmissions électriques en collaboration avec des partenaires du secteur privé.

En 2013, ce labo a reçu 4,7 millions de dollars par l’entremise de l’initiative fédérale . Cette somme – ainsi que des investissements privés d’une valeur de 5 millions de dollars – a financé la mise en commun d’une technologie de motorisation électrique conçue par TM4 Systèmes électrodynamiques, de Boucherville, au Québec, et d’une transmission signée Linamar Corporation, fournisseur du secteur de l’automobile dont le siège social est situé à Guelph, en Ontario. Enfin, Infolytica Corporation, entreprise montréalaise acquise depuis lors par Siemens, a contribué à la mise au point du logiciel de conception de cet ensemble de pointe.

Camion-pilote Purolator

« Nous avions comme objectif d’électrifier des camions de livraison, explique le Pr Boulet. Et nous trouvions les véhicules de messageries parfaitement adaptés à notre projet. » En effet, les itinéraires courts, ponctués d’arrêts et de démarrages fréquents, se prêtent fort bien au fonctionnement sur batterie : lors de chaque décélération, le moteur électrique envoie de l’énergie à la batterie, conférant dès lors une plus grande autonomie au véhicule. « Et comme le carburant est extrêmement coûteux, les entreprises qui exploitent un parc automobile cherchent à réduire leurs coûts », ajoute le professeur.

Photo de Benoit Boulet
Benoit Boulet, professeur de génie électrique et vice-doyen à la recherche et à l’innovation

Pour mettre son produit à l’essai, l’équipe a frappé à la porte d’un des joueurs les plus importants du secteur des messageries au Canada : Purolator.

Par ailleurs, le groupe avait besoin d’un partenaire pour faire installer la transmission électrique dans le camion. Il a donc fait équipe avec Cummins Inc., grand fabricant de moteurs diesels qui, résolument tourné vers l’avenir, lorgne également du côté de l’énergie électrique.

Le labo mcgillois a équipé le camion d’un écran tactile à affichage numérique qui transmet divers renseignements au conducteur sur le véhicule, notamment l’état de charge de la batterie.

Et c’est ainsi qu’au cours des deux dernières années, un camion électrique de Purolator a arpenté, mine de rien, les rues d’Ottawa puis de Montréal.

« Ça s’est vraiment bien passé », se réjouit Gary Parker, directeur des programmes d’électrification chez Cummins. « Le camion s’est super bien comporté. L’essai sur route a été concluant tant pour Purolator que pour Cummins », a-t-il confié en entrevue téléphonique depuis le siège social de l’entreprise à Columbus, en Indiana. « Nous sommes enchantés du projet et des résultats obtenus. »

De plus, précise le Pr Boulet, le véhicule silencieux et non polluant a beaucoup plu aux conducteurs et aux clients.

Transmission brevetée

Contrairement à sa grande sœur à essence, l’automobile électrique est habituellement équipée d’une transmission à un seul rapport. (La Taycan 2020 de Porsche est l’exception qui confirme la règle : ce véhicule haute performance est doté d’une transmission à deux rapports mise au point en Europe.)

Or, dans un gros véhicule comme un camion ou un autobus, il est très difficile d’obtenir, avec une boîte de vitesses à un rapport, à la fois une bonne accélération départ arrêté et les vitesses maximales qu’exige la circulation sur autoroute, explique le Pr Boulet. « Pour y arriver, les fabricants finissent par surdimensionner le moteur, l’électronique de puissance et la batterie. »

Photo of drivetrain

Pour régler ce problème, l’équipe du Pr Boulet a déjà mis au point une boîte de vitesses électrique à deux vitesses. Brevetée, cette boîte de vitesses à haut rendement passe en douceur, sans pédale d’embrayage, de la première à la deuxième vitesse. Fini, donc, les composantes surdimensionnées, ce qui devrait faire diminuer notablement le coût de fabrication des véhicules.

En collaboration avec un grand fournisseur de pièces pour véhicules automobiles, le laboratoire – qui compte 10 chercheurs – travaille à la conception de boîtes de vitesses à multiples rapports plus évoluées, destinées aux véhicules routiers les plus volumineux.

« Notre exploration théorique n’est pas terminée, précise le professeur, mais nous travaillons déjà à notre banc d’essai et j’ai bon espoir que d’ici six mois à un an, nous aurons au labo un prototype de boîte de vitesses encore plus perfectionnée. »

Et quand les fabricants de camions pourront-ils intégrer ce petit bijou à leurs nouveaux modèles?

« C’est une technologie éprouvée qui fonctionne, assure Benoit Boulet. Mais lorsque vient le temps de l’intégrer à un camion – ou à un autobus – on est davantage dans la sphère commerciale. Nous collaborons étroitement avec une entreprise en ce moment, et nous sommes en négociation avec d’autres pour divers projets. »

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