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Investissement durable et décarbonisation progressive

Sebastien Betermier, professeur agrégé en finance à la Faculté de gestion Desautels, s’est entretenu avec le McGill dans la ville au sujet du rôle du secteur de la finance dans la transition vers une économie sans carbone.

De nos jours, on parle beaucoup du rôle que joue le monde de la finance dans la lutte mondiale contre les changements climatiques. Selon vous, ce secteur peut-il avoir un impact considérable sur la réduction des émissions de carbone dans le monde?

La finance doit jouer un rôle de premier plan en favorisant les flux de capitaux vers des investissements dans des technologies plus respectueuses de l’environnement. Dès que ces nouvelles technologies seront en mesure de rivaliser avec le pétrole et le gaz, nous assisterons à d’importants changements sociaux.

Selon moi, l’enjeu est de trouver des investissements à la fois rentables et durables. Ces deux objectifs ne sont pas nécessairement incompatibles. Il existe de nombreux projets qui remplissent ces deux conditions. Ça en prendrait davantage.

BlackRock, la plus grande société de gestion d’actifs au monde, a récemment annoncé qu’elle prévoyait intégrer la durabilité à ses processus de placement. Est-ce un signe de changement dans le monde de la finance?

Oui, les temps changent. Aujourd’hui, les gestionnaires d’actifs cherchent à mieux intégrer le facteur de la durabilité dans leur processus décisionnel. Pour que le secteur évolue, les grandes entreprises comme BlackRock doivent prendre les devants et montrer l’exemple. J’ai donc été ravi de lire la lettre qu’a adressée Larry Fink aux chefs d’entreprise, dans laquelle il a fortement insisté sur l’importance de prendre en compte les risques liés à la durabilité.

En décembre, l’Université McGill a annoncé qu’elle réduirait l’empreinte carbone de son portefeuille d’investissement, décision qui a suscité un débat houleux sur le campus. Qu’en pensez-vous?

La décision prise par le Conseil des gouverneurs en décembre est remarquable, et je pense qu’elle pourrait avoir un impact très positif. De nombreux fonds ont une obligation fiduciaire de générer des rendements pour les parties prenantes et de minimiser les risques, ce qui explique en partie pourquoi il a été difficile de mettre en place l’investissement durable jusqu’à maintenant. L’une des recommandations formulées dans le rapport consiste à réviser l’Énoncé de politique de placement du fonds de dotation de sorte qu’il inclue désormais les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance et les place au premier plan. Cette recommandation, si elle est mise en œuvre correctement, permettra aux administrateurs du fonds de dotation de l’Université de prendre en compte le facteur de la durabilité dans chacune de leurs décisions de placement. En d’autres termes, ils ne se contenteront plus d’évaluer la rentabilité d’un investissement, mais se demanderont également si ce dernier aura un impact positif ou négatif sur l’environnement.

Selon vous, pour quelles raisons les partisans d’un désinvestissement complet et immédiat du secteur des combustibles fossiles critiquent-ils les stratégies de décarbonisation progressive comme celle annoncée par l’Université McGill?

Tout d’abord, il est important de reconnaître que c’est grâce au mouvement en faveur du désinvestissement que nous pouvons discuter de cette question aujourd’hui, puisqu’il a joué un rôle déterminant dans la sensibilisation et l’encouragement de l’Université à la décarbonisation de son fonds de dotation.

Je pense que la décision de McGill a été critiquée en raison des fausses idées qui circulent sur le compte de la décarbonisation progressive. Nous avons naturellement tendance à supposer que, puisqu’elle est progressive, elle n’a pas autant d’impact que le désinvestissement immédiat. Pour certains, progressif signifie »å¾±±ô³Üé ou moins engagé. Je ne pense pas que ce soit le cas. La stratégie proposée par McGill prévoit un désinvestissement progressif des secteurs très émetteurs de carbone, un investissement dans les énergies renouvelables, un plus fort engagement des actionnaires, et la prise en compte du critère de durabilité comme fondement de l’ensemble des prochaines décisions en matière d’investissement.

J’aime beaucoup cette approche, parce qu’elle me paraît dynamique, globale, cohérente et qu’elle respecte les besoins de toutes les parties prenantes. Cette année, le de McGill portait sur le sujet et les meilleures équipes ont formulé des recommandations similaires.

McGill doit maintenant communiquer clairement sa stratégie et établir un échéancier concret afin d’obtenir le soutien de la population.

Que peuvent faire les universités pour contribuer davantage à l’accélération de la transition vers une économie sans carbone?

McGill doit continuer de se concentrer sur sa principale force: la recherche fondamentale de pointe. À terme, c’est dans les institutions universitaires comme McGill que les solutions de remplacement au pétrole et au gaz verront le jour, car il s’agit de technologies émergentes qui présentent un risque élevé pour le secteur privé. C’est donc à nous, chercheurs, qu’il incombe de développer ces technologies vertes émergentes afin qu’elles puissent être commercialisées.

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