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Le cerveau plus malléable qu’on le croyait

Des chercheurs apprennent au cerveau à faire flèche de tout bois
±ĘłÜ˛ú±ôľ±Ă©: 19 July 2017

Qu’il s’agisse de la maîtrise d’un sport ou d’un instrument de musique, la répétition est essentielle à l’apprentissage. Comme le dit le vieil adage, c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Ce principe s’applique également à l’entraînement cérébral, démarche non effractive prometteuse pour pallier les déficiences consécutives à une maladie ou à un traumatisme neurologiques.

Grâce aux chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro) de l’Université McGill, on sait aujourd’hui à quel point le cerveau est malléable. Et ce savoir pourrait un jour être mis au service des personnes qui, par exemple, ont subi un accident vasculaire cérébral (AVC).

En effet, les chercheurs Dave Liu et Christopher Pack ont montré que l’entraînement pouvait changer l’usage que fait le cerveau de l’information sensorielle. Plus précisément, ils ont établi que, selon l’entraînement cérébral réalisé en amont, une région du cerveau appelée « aire médiotemporale (MT) » pouvait être absolument essentielle à la perception visuelle ou, au contraire, parfaitement accessoire.

On savait déjà que l’aire MT participait à la perception visuelle du mouvement. De fait, le sujet ayant des lésions de l’aire MT n’arrive plus à percevoir le déplacement des objets : il les distingue nettement lorsqu’ils sont immobiles, mais ne les voit pas bouger. Pourtant – et c’est là un fait bien établi – l’aire MT est loin d’être la seule région cérébrale intervenant dans la perception visuelle du mouvement. Il y a donc là quelque chose de mystérieux, certes, mais également une perspective intéressante : l’existence d’autres voies qui pourraient prendre la relève en l’absence de l’aire MT.

Dans la plupart des études sur le rôle de l’aire MT, on demande au sujet d’indiquer dans quelle direction se déplacent de petits points sur un écran, parce qu’il a été prouvé que cet exercice active cette région du cerveau. Pour déterminer dans quelle mesure l’aire MT est essentielle à la perception de ces mouvements, les deux chercheurs du Neuro ont usé d’un subterfuge fort simple : ils ont remplacé les points mobiles par des lignes mobiles, sachant que ces dernières stimulent moins l’aire MT et davantage d’autres territoires cérébraux. Étonnamment, les sujets ont parfaitement perçu le déplacement des lignes, même après la désactivation temporaire de l’aire MT.

À l’inverse, les sujets ne voyaient pas bouger les points après la désactivation temporaire de l’aire MT. Et cette « cécité du mouvement » a persisté après le passage des points aux lignes mobiles, ce qui indique que les effets de l’entraînement étaient très difficiles à neutraliser. De fait, les effets de l’exercice exécuté au moyen de points mobiles sont demeurés décelables pendant des semaines. Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’une légère modification de l’entraînement peut amener de profonds changements dans le cerveau.

Cette observation pourrait trouver une application clinique. Par exemple, de nombreuses victimes d’AVC perdent la vue en raison des lésions cérébrales causées par la diminution de l’apport sanguin dans une région du cerveau nécessaire à la vision. Or, ces patients pourraient un jour recouvrer la vue en amenant leur cerveau, par un entraînement adapté, à faire appel à des aires cérébrales saines pour réaliser la perception visuelle.

« Après des années de recherche fondamentale, nous avons une assez bonne idée des territoires cérébraux en jeu dans la perception visuelle », affirme Christopher Pack, auteur principal de l’article. « Certaines aires du cortex cérébral sont extrêmement sensibles à des caractéristiques visuelles bien définies, soit les couleurs, les lignes, les formes et les mouvements. À partir de cette information, nous pourrions élaborer des protocoles conçus de manière à solliciter plus ou moins certaines régions du cerveau dans la perception visuelle, en fonction des besoins du sujet. C’est un projet fort prometteur auquel nous commençons à travailler dès aujourd’hui. »

Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada. Le compte rendu a été publié dans la revue Neuron le 19 juillet 2017.

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