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Liberté académique et respect des étudiants : deux réalités parfaitement compatibles

Les universités peuvent, et doivent, simultanément défendre la liberté académique et faire progresser l'équité, la diversité et l'inclusion.

La liberté académique est sans contredit la clé de voûte de l’université moderne. Il n’est donc pas étonnant que nous cherchions à la préserver. L’avancement des connaissances repose sur la capacité du corps professoral à explorer des avenues de recherche ou à défendre ses idées sans crainte d’ingérence de la part de son port d’attache, du gouvernement ou du secteur privé.

Parallèlement, et plus que jamais, les universités sont appelées à promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion, et avec raison. Comme c’est le cas dans de nombreuses autres institutions, le portrait démographique de la plupart des universités ne reflète pas encore celui de la société. Les femmes et les membres de groupes sous-représentés peuvent parfois percevoir les campus comme des milieux peu accueillants et ressentir de l’isolement. Les établissements d’enseignement supérieur doivent persévérer dans leurs efforts de promotion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion afin que les chances soient les mêmes pour tous.

Étant donné l’importance capitale dans nos universités tant de la liberté académique, d’une part, que de l’équité, de la diversité et de l’inclusion, d’autre part, il est malheureux que dans le débat public récent, ces deux notions aient semblé incompatibles, comme si l’on nuisait forcément à l’une en faisant progresser l’autre. Voilà qui me semble inquiétant, et je pense que nous faisons fausse route. En ma qualité de vice‑principal exécutif et vice‑principal aux études de l’Université McGill, j’ai toujours appuyé sans réserve et défendu vigoureusement la liberté académique, et j’entends continuer de le faire. Cela dit, je salue les efforts que déploie notre université en faveur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. Notre travail l’a démontré : il est possible, voire essentiel, de défendre énergiquement à la fois la liberté académique et ces trois principes.

Les discussions récentes ont essentiellement porté sur la question que voici : doit-on permettre aux étudiant(e)s de s’élever contre le contenu d’un cours qu’ils jugent choquant, en particulier lorsque l’équité, la diversité et l’inclusion sont en cause? À mes yeux, la réponse est claire et nette. Il va de soi que les étudiant(e)s peuvent formuler leur objection au contenu d’un cours. Toutefois, en aucun cas cette dernière ne doit-elle conduire à la censure ni aux mesures disciplinaires de la part de l’établissement. Nous avons tous en tête de nombreux exemples – certains remontant à des siècles et d’autres ayant cours encore aujourd’hui – d’institutions qui se sont employées à étouffer ou à faire cesser des activités d’enseignement et de recherche non orthodoxes ou « nuisibles ». Ce sont là des pratiques qui vont à l’encontre de la mission première d’une université : faire progresser le savoir par le dialogue et les échanges, en toute ouverture.

En d’autres termes, les enseignant(e)s sont libres de transmettre dans leurs cours la matière qu’ils jugent pertinente. Quant aux étudiant(e)s, ils (elles) sont libres de remettre cette matière en question. À vrai dire, c’est exactement ce que nous attendons d’un(e) étudiant(e) universitaire : qu’il (elle) pose un regard incisif et critique sur la matière qui lui est enseignée. Cela dit, cette manifestation d’inquiétude ou ce désaccord ne sauraient se traduire d’emblée, pour l’établissement, par l’« annulation » de la matière en question ou la création d’un soi-disant « index ».

Faire partie d’une communauté universitaire, c’est accepter d’être parfois exposé à des concepts et à des débats avec lesquels nous sommes en désaccord ou auxquels nous sommes – peut-être farouchement – opposés. C’est là une réalité indissociable de la vie universitaire. Au fil de leur apprentissage, les étudiant(e)s sont exposé(e)s – que ce soit dans leurs lectures ou directement, dans des contextes cliniques et pratiques – à des cas de violence et de traumatismes, passés et actuels, qui touchent tant des individus que des groupes de personnes. Si bouleversante soit-elle, la matière étudiée est essentielle et ne doit jamais être proscrite. Voilà pourquoi, dans mes communications avec la communauté mcgilloise, j’ai été on ne peut plus clair à ce sujet : « aucune idée ni aucun débat, mot ou travail n’est ‟proscrit” à l’Université McGill ».

D’un autre côté, les étudiant(e)s s’attendent, à juste raison, à étudier dans un environnement qui peut certes les mettre au défi, mais toujours dans le respect de leur dignité profonde. En alliant l’empathie à l’excellence et le respect à la rigueur, on peut créer un tel environnement et enseigner les idées et les notions les plus controversées qui soient, tout en favorisant l’apprentissage et la réussite de l’ensemble de la population étudiante.

et dansle 24 février 2021

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